Effets de régimes contenant différentes proportions de féverole (Vicia faba var. minor) sur les performances d'engraissement, les caractéristiques des carcasses et la qualité de la viande d’agneaux mâles de race Ouled Djellal

N Rebai^1,2, A Rahmani², F Chacha², M Douh², H Ahmed Laloui², N Cherb², M Derdour² et K Abbas³

¹ Université Chadli Bendjedid d’El Tarf, BP 73, 36000, El Tarf, Algérie
agronour@hotmail.fr
² Centre de Recherche en Biotechnologie (C.R.Bt), Ali Mendjeli, Nouvelle Ville UV 03, BP E73, Constantine, Algérie
³ Institut national de la recherche agronomique d’Algérie (INRA Algérie) Division Agrosystèmes Est- Sétif B.P.19000, Sétif, Algérie

Résumé

L'expérience a été réalisée pour évaluer l'effet de l’incorporation de la féverole utilisée à différents niveaux dans la ration (0, 23.5 et 47%) comme la principale source de protéines sur les performances d'engraissement, la carcasse et la qualité de la viande des agneaux mâles Ouled Djellal. Ces niveaux d’incorporation permettent une substitution de 0, 50 et 100% du tourteau de soja. A côté du tourteau de soja et de la féverole, les rations contiennent de l’orge, du son de blé, un complément minéral vitaminé, du phosphate mono-calcique, du calcaire et du sel a des proportions permettant des rations iso-azotées et iso-énergétiques. Âgés d'environ 5 mois, 33 agneaux ont été subdivisés en trois lots de poids moyen similaire : le lot « TS » reçoit une ration avec comme principale source protéique le tourteau de soja. La source protéique de la ration du lot « TS-F » contient 50% du tourteau de soja et 50% de fèverole alors que lot F est affecté à la ration dont la source de protéine est complètement constituée de féverole. Après une période d’adaptation de deux semaines aux régimes expérimentaux, les agneaux reçoivent l’aliment concentré, de la paille de blé et de l’eau à volonté pendant une période expérimentale d’engraissement de 90 jours. L'apport alimentaire quotidien, le gain de poids quotidien et l'efficacité de conversion alimentaire (consommation de concentré et de foin pour 1 kg de gain de poids vif) étaient de 1.76 kg, 259 g et 6.8 pour le lot TS, 1.78 kg, 269 g et 6.27 pour le lot TS-F et 1,77 kg, 256g et 6.9 pour le lot F, respectivement.

Les performances de croissance, les caractéristiques des carcasses et de qualité de la viande étaient peu variables entre les groupes. La substitution du tourteau de soja par la féverole des régimes alimentaires des agneaux Ouled Djellal à des taux de 0, 50 et 100 % n'a montré aucune différence dans les performances d'engraissement et n’a pas affecté la qualité des carcasses et de la viande.

Mots clés : Algérie, alimentation et nutrition, développement durable, légumineuses fourragère, ressources locales, substitution

Effects of diets containing different proportions of faba bean (Vicia faba var. minor) on fattening performance, carcass characteristics and meat quality of Ouled Djellal male lambs

Abstract

The experiment was carried out to evaluate the effect of incorporating faba bean (Vicia faba var. minor), used at different levels in the diets (0, 23.5 and 47%) as the main source of protein on fattening performance, carcass and the meat quality of Ouled Djellal male lambs. These levels of incorporation allowed a substitution of 0, 50 and 100% of soybean meal. Alongside the soybean meal and faba bean, the diets contain barley, wheat bran, vitamin-mineral premix, mono-calcium phosphate, salt and limestone in proportions, which allow for iso-nitrogenous and iso-energetic diets.

About 5 months old, 33 lambs divided into three groups of similar average weight: group TS whose main source of protein was soybean meal, group TS-F including 50% of soybean meal replaced by faba bean, and group F whose soybean meal replaced in its entirety by faba bean.

After a period of adaptation of two weeks to the experimental diets, the lambs receive the concentrate, wheat straw and water ad libitum during the 90-day fattening period.

Daily feed intake, daily weight gain and feed conversion efficiency (consumption of concentrate and hay to produce 1 kg of live weight gain) were 1.76 kg, 259 g and 6.8 for the TS group, 1.78 kg, 269 g and 6.27 for group TS-F and 1.77 kg, 256g and 6.9 for group F, respectively.

Growth performance, carcass characteristics and meat quality were almost the same in all groups. In conclusion, the substitution of soybean meal by faba bean in the diets of Ouled Djellal lambs at rates of 0, 50 and 100% showed no difference in fattening performance and did not affect the characteristics of carcass and meat quality of lambs.

Keywords: Algeria, food and nutrition, sustainable development, fodder legumes, local resources, substitution

Introduction

L’élevage du mouton a gardé toute son importance dans les habitudes alimentaire et dans l’économie rurale des habitants de la région méditerranéenne. L’alimentation du mouton représente la majeur part du prix de revient qui avoisine dans certains pays les 80% pour l’engraissement des agneaux (Harb and Habbab 1989) aussi, l'aliment concentré est le principal coût de production de l'élevage ovin, représentant en moyenne 64% des coûts de fonctionnement (Benoit et al 2019). Par conséquent, un objectif important pour les agriculteurs méditerranéens est de promouvoir l'utilisation des ressources alimentaires locales pour réduire les coûts de la production (Lanza 2011) et augmenter l’autonomie des opérateurs. Ces coûts élevés de la production sont dûs essentiellement à l’utilisation des aliments importés tel que le maïs et le tourteau de soja. Pour cette raison, beaucoup de travaux de recherche ont visé l’introduction des ressources locales et les sous-produits de l’agriculture et de l’agro-alimentaire dans l’alimentation animale (Abaidia A et al 2020, Ahmed Laloui et al 2019, Boudchechiche et al 2008, Haddad S G 2006, Meradi S et al 2016, Nguyen et al 2022, Buyukcapar et al 2018).

Concernant le tourteau de soja, reste du loin la principale source de protéines utilisée en alimentation animale et la plus chère. Sa substitution par des ressources protéiques locales revêt ainsi une importance majeure. Les graines de légumineuses cultivées localement ont été prises en compte pour leur richesse en protéines (19-35 % de protéines brutes) et en amidon (plus de 40 % d’amidon (Lanza 2011)). Il faut noter que la production de légumineuses fourragères locales contribue à :

· L’amélioration de l’autonomie alimentaire par la diminution des intrants ;

. L’amélioration de la traçabilité des aliments utilisés ;

· L’amélioration de la qualité des sols, utilisés en rotation avec les céréales ;

· La diminution de l’utilisation des engrais azotés après une culture de légumineuse ;

. ’utilisation d’une alimentation sans OGM,

· La diminution de la pression sur la culture de soja, par conséquent, une diminution de la déforestation des zones tropicales et équatoriales.

Dans ce contexte, le but de cette étude est de déterminer l’effet de l’introduction de la féverole à différents niveaux (0, 23.5 et 47%) comme source de protéines dans les régimes alimentaires, sur les performances d'engraissement, la qualité de la carcasse et de la viande des agneaux mâles de race Ouled Djellal. Ces niveaux d’incorporations (0, 23.5 et 47%) permettent des taux de substitution de 0, 50 et 100% du tourteau de soja. A côté du tourteau de soja et de la féverole les régimes contiennent des différentes proportions d’orge et de son de blé. Les rations testées sont comparables (concentré, paille de blé) à ceux habituellement utilisées par les éleveurs dans la zone d’étude

Matériel et méthodes

Zone d’étude

L'essai a été réalisé dans une ferme privée située Dans la commune de Beida Bordj (wilaya de Sétif, Algérie) à une latitude de 35°51'21.3"N, une longitude 5°38'39.0"E et à 890 m au niveau de la mer.

Protocole expérimental, Aliment et animaux

L’expérimentation a été réalisée sur trente-trois agneaux de race Ouled Djellal âgés de cinq mois, identifiés, déparasités et subdivisés en trois lots de onze agneaux chacun et de poids moyens similaire (photo 01).

Photo 1. les trois lots expérimentaux

Les trois lots correspondent à :

- lot TS, TS-F et le lot F (lot TS : lot dont le tourteau de soja et la principale source de protéines,

- le lot TS-F : 50% du tourteau de soja est remplacer par la féverole et

- le lot F la totalité du tourteau de soja est remplacé par la féverole).

Les 3 lots reçoivent des rations iso-énergétiques et iso azotés. La composition chimique (AOAC 1990) et la valeur alimentaire (calculé sur la base des équations données par Sauvant et al 2004) sont rapportées par le tableau 01et 02. L’aliment concentré, la paille de blé et l’eau sont offerts ad libitum. La ration est distribuée en deux repas à 7h du matin et à 18h l’après-midi après une période d’adaptation de 15 jours. Les agneaux sont pesés chaque 15 jours le matin avant la distribution du nouveau repas durant la période d’expérimentation qui a duré 90 jours.

Les quantités d’aliments distribués et consommées sont enregistrées chaque jour.

Mesures à l’Abattoir

A la fin de la période expérimentale, quatre agneaux de chaque lot dont le poids vif est plus proche à la moyenne du lot sont abattus dans l’abattoir de la commune de Sétif.

A l'abattoir, le pH à 45 minutes, le poids à l'abattage, le poids de la carcasse chaude, le poids du gras abdominal, le poids du foie, du cœur et de la rate ont été enregistrés. Après 4 heures à température ambiante, les carcasses ont ensuite été stockées 20 heures dans une chambre réfrigérée réglée à 4°C. À 24h post-mortem les carcasses ont été repesées pour enregistrer le poids des carcasses froides, ainsi les valeurs du pH _24h. Des échantillons du muscle longissimius dorsi thoracique du11^ème à la 13^ème côte ont été prélevés, aussi à l’aide d’un pied à coulisse l’épaisseur du gras dorsal et des gras des côtes ont été mesurées.

A 48h post-mortem le pH ultime a été mesuré à nouveau et les échantillons du muscle longissimius dorsi sont conservés à -24°C pour des analyses ultérieurs.

Mesures au laboratoire

Pour les analyses chimiques, des échantillons de viande (longissimus dorsi) après 24h de décongélation à 4^oC, l’humidité, et la matière minérale ont été évaluées selon la méthode de l'AOAC(1990), Les matières grasses selon la méthode de Folch et al 1957 tandis que les protéines ont été calculées à partir de la différence (LANZA et al 2003).

Analyse statistique

L’analyse de l’effet du régime alimentaire (TS, TS-F ou F) sur les paramètres de rendement d’engraissement et de viande ainsi que sur ceux de la qualité de la viande, a fait l’objet d’une analyse de variance à un seul facteur (ANOVA) en utilisant le logiciel XLSTAT version 2014. Une valeur de p inférieure à 0.05 a été considérée comme étant significative. L’analyse est complétée par le test de NEWMANE et KEULS pour les groupes homogènes.

Résultats

Performances de croissance et d’abattage

Le tableau 03 rapporte les performances de croissance et d'abattage. Les traitements n’ont pas affecté les performances d’engraissement. Le Gain moyen quotidien était supérieur à 250 g/jour dans tous les groupes, ce qui a permet d’avoir un poids moyen final de 55.17, 55.51 et 54.34 kg de poids vif pour les trois lots TS, TS-F et F respectivement. Les trois lots ont eu la même consommation de concentré (1.26 kg/j/agneau), de paille (0.5, 0.52 et 0.51), soit des indices de consommation similaires de 6.6, 6.8 et 6.9 pour les trois lots TS, TS-F et F respectivement.

Également, pour les performances d’abattage, les régimes alimentaires n’ont pas eu d’effet sur le poids à l’abattage, le poids de la carcasse chaude, le poids de carcasse froide, le rendement en carcasse chaude, l’épaisseur du gras dorsal, l’épaisseur du gras des côtes et le poids du gras abdominal. Pour les poids des organes (foie, cœur et rate), les régimes alimentaires n’ont pas affectés le poids du cœur et de la rate contrairement au poids du foie qui était supérieur dans le lot TS avec une valeur moyenne de 953.25g par rapport aux lots TS-F et F avec des valeurs moyennes de 782.5 et 798 respectivement.

Les paramètres physiques et chimiques de la viande sont présentés dans le tableau 05. Les régimes alimentaires n'ont affectés aucun paramètre. Le pH ultime était comparable entre les groupes (<5.80). De plus, les analyses chimiques (MS, MM, MG et MA) n’ont pas discriminé les traitements diététiques, montrant des niveaux qui dépassent 3% de graisse intramusculaire dans tous les groupes.

Discussion

Les régimes avec des graines de légumineuses alternatives, tel que la féverole, n'ont pas affecté négativement les performances de croissance par rapport au régime à base de tourteau de soja, habituellement utilisées par une grande majorité des éleveurs. Le gain moyen quotidien avoisine les 250g/j (entre 256 et 269 g/j) est comparable à celui trouvé dans des expériences similaires (Lanza et al. 2003 ; Gül et al 2005, Lanza et al 2011, Abbas et Rebai, 2014), et un même un peu supérieur à celui trouvé par Scerra et al 2011(206, 217.4 et 207.5) avec des régimes dont la principale source de protéine est la féverole, le pois, et le tourteau de soja respectivement qui probablement due au bas âge des agneaux (60j).

L’analyse physique et chimique de la viande n’a révélée aucun effet des régimes sur la composition du muscle longissimus dorsi pour la Matière Sèche, la Matière Minérale, la Matière Grasse et la Matière Azotée. Ces résultats corroborent avec ceux des études précédentes avec un taux en gras intramusculaire dans notre expérience (3%) dépassant ceux trouvés par Scerra et al 2011 et Lanza et al 2003 qui avoisine les 2%. Toutefois cela serait probablement dû à la différence d’âge des agneaux (8 moisvs 4 mois) à l’abattage.

Concernant les valeurs du pH ultime, les résultats obtenus ne montrent aucune différence significative entre les trois lots et reste au-dessous de la valeur 5.8, qui représente selon l’étude de Devine et al 1993 une valeur critique au-delà de de laquelle la qualité organoleptique de la viande diminue. L’utilisation du tourteau de soja comme principale source de protéine d’aliment concentré à tendance à induire des pH ultime proche ou supérieure al valeur 5.8. Dans la présente expérimentation la valeur du pH ultime des lots TS-F et le lot F (5.70 et 5.65) est meilleure par rapport au lot TS (5.79), ces résultats corroborent avec ceux de Lanza et al 2011(5.86 pour tourteau de soja contre 5.72 et 5.78 pour la féverole et le pois respectivement).

Conclusion

Sur la base des résultats de cette étude, on peut conclure qu'un concentré comprenant des différentes proportions (23.5 et 47 %) de féverole distribué aux agneaux comme aliments de finition n’a pas affecté les performances de croissance ni la qualité bouchère des carcasses et de la viande par rapport à un concentrés comprenant une proportion de 20% de tourteau de soja comme principales sources de protéines. Ceci milite pour la possibilité de remplacer partiellement ou totalement le tourteau de soja importé par de la féverole cultivée localement.

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