Facteurs influençant la croissance d’agneaux Ouled Djellal "type Hodna" dans la wilaya de Sétif (Algérie)

A Baa, Y Bara, L Ben Laalam¹ et W Bensbaa¹

Département d’agronomie, faculté des sciences. Université de M’Sila. Algérie
abdelhamid.baa@univ-msila.dz
¹ Département d’agronomie, faculté des sciences de la nature et de la vie. Université de Sétif. Algérie

Résumé

L’effet de différents facteurs (sexe, mode de naissance et parité de la mère) sur la croissance pondérale et morphologique des agneaux et la prédiction du poids vif à partir des mensurations corporelles ont été étudiés sur 74 agneaux de race Ouled Djellal, type Hodna. Ceux-ci ont été suivis dès leur naissance jusqu’à 100 jours d’âge dans une ferme pilote dans la wilaya de Sétif (Algérie). Le mode de naissance (43 nés simples, 31 nés doubles) a influencé très significativement les poids à la naissance et à 10 jours. Les agneaux issus des brebis multipares ont présenté des poids et des vitesses de croissance plus importants que ceux issus des brebis primipares. Les caractéristiques morphologiques (tour de poitrine TP, tour spirale TS et hauteur au garrot) ont eu tendance à évoluer proportionnellement avec l’âge, mais n’ont pas été significativement influencées par les facteurs sexe, mode de naissance et parité. De fortes corrélations positives ont été enregistrées entre l’ensemble des variables morphologiques et le poids. Le TP a été le plus prédicteur du poids vif des agneaux : R² = 0,88 pour l’équation Y= 0,78 TP -27,1 et R² = 0,90 pour Y= 0,51 TP + 0,29 TS -27,9.

Mots-clés : évolution pondérale, mensuration, ovin, prédiction de poids

Factors influencing the growth of Ouled Djellal "Hodna type" lambs in the wilaya of Setif (Algeria)

Abstract

The effect of different factors (sex, mode of birth and mother's parity) on the weight and morphological growth of lambs and the prediction of live weight from body measurements were studied on 74 lambs of the Ouled Djellal breed, Hodna type. They were followed from birth until they were 100 days old in a pilot farm in the wilaya of Setif (Algeria). Only the mode of birth (43 single born, 31 double born) had a very significant influence on the weights at birth and at 10 days. Lambs from multiparous ewes exhibited higher weights and growth rates than those from primiparous ewes. The morphological characteristics (CC chest circumference, SC spiral circumference, and height at the withers) tended to progress proportionally with age, but were not significantly influenced by factors such as sex, birth mode and parity. Strong positive correlations were recorded between all morphological variables and weight. CC was the most predictive of the live weight of the lambs: R² = 0.88 for the equation Y = 0.78 CC -27.1 and ^R2 = 0.90 for Y = 0.51 CC + 0.29 SC -27.9.

Keywords: measurement, sheep, weight evolution, weight prediction

Introduction

L’amélioration des performances zootechniques et de la production numérique des ovins nécessite une connaissance profonde des races, du point de vue génotypique et phénotypique.

L’espèce ovine en Algérie représente 83% du total des animaux domestiques (Ghalmi et al 2013, Tennah et al 2014), avec un effectif de 28,7 millions de têtes (FAO 2018). La race Ouled Djellal est par excellence la plus importante du point de vue effectif (60% du total des ovins) (Dehimi et al 2014). Elle occupe la majeure partie des régions Nord, au niveau de la steppe et s'implante aussi au Nord du Sahara (Djaout et al 2017). La variété Hodna (appelée aussi Ouled Naïl) faisant l’objet de cette étude, représente 70% de l’effectif total de la race Ouled Djellal, car elle est très recherchée par les éleveurs à cause de son poids corporel, de sa forme bien proportionnée et de taille élevée (Chekkal et al 2015). Certains auteurs ont étudié les performances pondérale et morphologique de cette variété ; citons Djellal et al (2016), Dekhili et Mahnane (2004) et Dekhili (2003).

La connaissance du poids vif des agneaux est un moyen très important pour contrôler la croissance, la conduite et l’efficacité alimentaire et pour mieux préparer les sujets de remplacement et/ou d’engraissement, chose qui est difficile surtout dans les élevages pastoraux extensifs qui se pratiquent sur 25 % des terres du globe (Bencherif 2013) où les pèse-bétails sont difficiles à détenir ou à déplacer. Pour cela, la prédiction du poids des agneaux à travers les mensurations corporelles à l’aide d’instruments simples représente une exigence majeure.

Le but de la présente étude était de suivre pendant 100 jours des agneaux de race Ouled Djellal type Hodna, afin d’étudier les performances de croissance et l’évolution corporelle (morphologie), tout en déterminant l’effet de trois facteurs (parité de la mère, sexe de l’agneau, et mode de naissance), et finalement de proposer des équations de prédiction du poids vif.

Matériel et méthodes

Notre suivi a été effectué au niveau d’une ferme pilote, dans la commune de Mezloug, au Sud de la wilaya de Sétif. Cette ferme à vocation céréaliculture-élevage, compte 953 ha de SAT, dont 927 ha de SAU et 300 brebis.

Au départ, on a pris pour le suivi 83 agneaux issus de 66 brebis primipares et multipares. Après avoir éliminé les mortalités (6 morts issus de naissances simples et 3 issus de naissances doubles) en cours de l’étude, on a fini avec 74 agneaux ; mâles (37) et femelles (37) de naissances simples (43) et double (31). La mortalité enregistrée représente 10,8 % de l'effectif du départ, soit 9 morts (2 entre la naissance et 10 jours, 6 entre 10 et 20 jours et 1 mort entre 20 et 30 jours).

Dès leur naissance, les agneaux ont subi une identification par des boucles auriculaires, un pesage (poids à la naissance =PN), et l’enregistrement des dates de naissance, du type de sexe et du mode de naissance. Les pesages ont été effectués à des âges types : 10 jours (P10), 30 jours (P30), 70 jours (P70) et 100 jours (P100). Les gains moyens quotidiens entre ces pesées ont été mesurés : GMQ (0-10 j), GMQ (10-30 j), GMQ (30-70 j), GMQ (70-100 j) et GMQ (0-100 j).

De la naissance à 20 jours, les agneaux recevaient exclusivement le lait maternel. A partir du 21^ème jour, ils commençaient à consommer du foin de vesce-avoine avec leur mère.

Les mensurations ont été réalisées après P30 (à un mois d’âge) et à la fin de chaque mois, soit au total, trois passages. Ainsi, on a pris aléatoirement 21 sujets parmi ceux engendrant une croissance ordinaire (GMQ plus de 50 g/j), donc en éliminant les agneaux les plus chétifs. Les paramètres contrôlés ont été : la hauteur au garrot (HG), le tour de poitrine (TP), le tour spiral (TS), la largeur des épaules (LE) et la largeur aux hanches (LH).

Analyses statistiques

La statistique descriptive et l’analyse de variance univariée (ANOVA) ont été effectuées avec le logiciel IBM SPSS (version 26 2019) pour l’analyse des poids vifs (PV), le gain moyen quotidien (GMQ) et les différentes mensurations.

Le test ANOVA a été utilisé pour déterminer l’effet des facteurs sexe, mode de naissance et parité sur les variables poids et GMQ. Le test non paramétrique de Mann-Whitney a servi à analyser l’effet de ces mêmes facteurs sur l'évolution morphologique des agneaux. Pour l’estimation du poids vif, on a utilisé la régression automatique et la régression linéaire simple.

Résultats et discussion

Performances de croissance

Les agneaux qu’on a suivi sont nés avec un poids moyen de 4,16±1,02 kg, pour atteindre 6,1±1,7 kg à 10 jours, 9,8±2,5 kg à 30 jours, 20,7±3,7 kg à 70 jours et 25,1±4,0 kg à 100 jours (Tableau 1 et Figure 1).

Nos résultats sont similaires à ceux obtenus par Deghnouche et al (2018) dans la wilaya de Biskra, notamment pour le PN (4,19 kg) et le poids à 10 jours (6,04 kg) avec une supériorité de nos résultats après 30 jours (9,8 kg vs 8,4 kg) et après 90 jours (20,7 kg obtenu à 70 jours vs 18,3 kg). Adaouri et al (2017) ont signalé pour les agneaux croisés entre Ouled Djellal et D'Man un PN de 4 kg, alors que Benyounes et al (2013) et Mefti Korteby et al (2017) ont enregistré pour des agneaux de type Djellalia des poids moyens de 3,64 kg et 2,73 kg, respectivement. On peut attribuer la supériorité de nos résultats au type des agneaux étudiés et à la bonne alimentation ; Chellig (1992) a rapporté dans son étude que l’ovin de type Hodna est plus lourd que celui du type Djellalia. Dekhili (2003) a rapporté que l'alimentation rationnelle des brebis pendant la gestation, surtout au cours des derniers mois peut augmenter le poids à la naissance qui peut atteindre 5 kg et diminuer les mortalités des agneaux. La ferme pilote adopte une sélection phénotypique des animaux pour le renouvellement du cheptel ; les brebis notamment doivent être de bon format (poids et morphologie). Cette pratique influence positivement les poids à la naissance des agneaux.

Les poids moyens qu’on a enregistrés à la naissance sont inférieurs à ceux obtenus par Boussena et al (2013) et Djellal et al (2016) : 4,49 ± 0,67 kg et 5,30 ± 0,48 kg, respectivement.

Le gain moyen quotidien enregistré entre la naissance et 100 jours (GMQ 0-100j) est égal à 211±35 g/j (Tableau 1), un résultat meilleur que la moyenne du standard de la race (Chellig 1992 et Chekkal et al 2015). Avec le lait maternel, les agneaux ont gagné 216±128 g/j (0-10j), alors qu’après l'introduction du foin, le GMQ a chuté de 30 g/j (GMQ 10-30j = 186±69 g/j), mais après l'adaptation des agneaux au régime solide ils ont marqué un gain de poids de 271±50 g/j dans la période allant de 30 à 70 jours. Le gain le plus faible a été enregistré au cours de la période 70-100 jours avec 145±57 g/j.

Djellal et al (2016) et Adaouri et al (2017) ont constaté une vitesse de croissance plus faible entre le 60^ème et 90^ème jours d’âge.

Figure 1. Evolution du poids des agneaux Ouled Djellal "type Hodna" en fonction de l’âge

Facteurs influençant l'évolution pondérale des agneaux (poids vif et gain de poids)

Effet du sexe

Dans cette étude, le sexe n'a eu aucun effet significatif sur le poids vif des agneaux, ni sur la vitesse de croissance durant toute la période de suivi (100 jours) (Tableau 2). Les 37 mâles et les 37 femelles ont présenté des poids et des gains journaliers comparables. Plusieurs auteurs (Hanrahan 1999, Dekhili 2003, Chikhi et Boujenane 2004, Kuchtík et Dobeš 2006 et Zidane et al 2015) ont trouvé que le sexe avait un effet hautement significatif sur le poids des agneaux et les gains quotidiens. Bendiab et Dekhili (2012) ont expliqué l'effet du sexe par celui des gènes liés au sexe, des différences de conformation (muscles du cou, os de tête, ensemble du squelette) et notamment l’avance progressive des organes digestifs des mâles, ce qui n'était pas entièrement évident dans notre étude à cause probablement d’une sélection basée sur la morphologie pratiquée par la ferme pilote (Hanrahan 1999). Nos résultats concordent avec les travaux de Ptáček et al (2015), qui ont indiqué des différences non significatives entre le poids des mâles et des femelles de la race Suffolk.

Ces différences sont plus nettes au-delà de l’âge de 100 jours de notre étude.

Effet de la modalité de naissance

La modalité de naissance a eu une influence hautement significative sur le poids initial (p=0,01), le poids à 10 jours (p=0,01) et le poids à 30 jours (p=0,01). Les agneaux nés simples (n = 43) ont été plus lourds à la naissance (4,5 kg), à 10 jours (6,6 kg) et à 30 jours (10,5 kg) que les agneaux issus des naissances doubles (n = 31 car sur 34 nés doubles, 3 sont morts) (PN=3,72 kg ; P10 =5,45 kg ; P30 = 8,93 kg). L’effet du mode de naissance a eu tendance à disparaître après l’âge de 30 jours, où les agneaux commencent à manger des aliments solides et récupèrent leur retard.

Le GMQ (0-100j) des naissances simples a été plus important que celui des agneaux nés doubles (213 g/j vs 208 g/j), sans aucun effet significatif (p>0,05) du mode de naissance sur la vitesse de croissance au cours de toute la durée de suivi (Tableau 3).

Dekhili (2003) a indiqué qu’un agneau né simple avait un poids plus élevé à la naissance ; ce facteur qui, selon Rekik et al (2008) a présenté un effet significatif sur le poids vif et le GMQ (10-30) des agneaux D’Man. De même, Gbengbouche et al (2005) et Zidane et al (2015) ont signalé que les agneaux jumelés étaient plus légers que les agneaux uniques à cause de la réduction des quantités de lait disponibles pour chaque agneau double.

Effet de la parité

Dès leur naissance, les agneaux issus des brebis multipares ont présenté des poids et des vitesses de croissance plus importants que ceux issus des brebis jeunes (primipares) : 4,25±0,99 kg contre 3,88±1,10 kg à la naissance, et 25,1±4,0 kg contre 24,8±3,9 kg à 100 jours. Les différences sont non significatives (p>0,05).

Plusieurs études ont montré que l'âge de la mère au premier agnelage avait un impact important sur la descendance, les primipares n'atteignant pas leur maturité physique (2/3 du poids adulte), et entrant en compétition avec le fœtus pour achever leur croissance (Zidane et al 2015, Gbengbouche et al 2005 et Kerfal et al 2005).

Dekhili et Mahnane (2004) ont constaté que les poids à la naissance et au sevrage des agneaux Ouled Djellal nés de brebis multipares sont supérieurs à ceux des agneaux nés de brebis primipares.

Evolution morphologique des agneaux

Les mensurations des agneaux évoluent systématiquement avec l’âge. A 3 mois, les agneaux ont atteint une hauteur au garrot (HG) de 63,8±0,7 cm, un tour de poitrine (TP) de 69,7±0,8 cm et 67,9±0,9 cm de tour spiral (TS). La largeur des épaules (LE) et largeur aux hanches (LH) étaient respectivement de 13,3±0,2 cm et 13,8±0,2 cm (Tableau 5). La hauteur au garrot (HG) des agneaux à 3 mois a représenté 78% des caractéristiques standards moyennes de la race Ouled Djellal » type Hodna » adulte (Chellig 1992).

On a remarqué que les mesures HG, TP et TS ont présenté l’évolution la plus expressive avec l’avancée en âge, des croissances d’environ 12 cm pour l’HG et 19 cm pour TP et TS. Selon Ferra et al (2010), la conformation corporelle des animaux est définie par la relation entre la hauteur, la longueur et la profondeur du corps, qui varient selon la race et l'âge.

Pour l’ensemble des variables (sexe, mode de naissance et parité), on n’a pas enregistré d’effet significatif (p>0,05) sur la croissance morphologique des agneaux.

Ces résultats sont différents de ceux de Boubekeur et al (2015) qui ont indiqué que le sexe de la race D’Man a eu une influence très significative sur la plupart des variables analysées (PV, HG, TP, LC) avec des animaux adultes de 2, 3 et 4 années d’âges.

Estimation du poids

Le Tableau 6 résume les corrélations entre l’âge, les variables phénotypiques et le poids vif des agneaux les plus lourds. L’analyse statistique nous a permis d’enregistrer une très forte corrélation positive entre l’âge des agneaux et l’ensemble des variables à savoir l’HG, TP, TS, LE, LH et le poids, ce qui signifie que la croissance morphologique et le poids ont évolué avec l’âge comme cela a été vérifié par Salako(2006) et Ferra et al (2010).

Les fortes corrélations constatées autorisent à prédire le poids des agneaux les plus lourds à partir des mensurations phénotypiques (HG, TP, TS, LE, LH). La modélisation linéaire automatique classe les variables phénotypiques en fonction de leur importance pour estimer le poids des agneaux : le TP suivi par le TS sont les plus prédicteurs de poids, la HG est le moins estimateur (Tableau 7). Par ailleurs, la largeur des épaules (LE) et la largeur aux hanches (LH) ont été éliminés de l’équation de prédiction du poids corporel parce qu’elles étaient de moindre importance. Des résultats semblables ont été énoncés par Dekhili et Aggoun (2013).

Le tour de poitrine (TP) a été le plus prédicteur du poids de nos agneaux. Le coefficient de détermination (R²) des équations de régression linéaire augmente avec l’ajout des variables dans l’équation, ainsi R ²=0,88 ; 0,90 ; 0,90, respectivement pour les équations : Y= 0,78 TP -27,1 ; Y= 0,51 TP + 0,29 TS -27,9 ; Y= 0,44 TP + 0,27 TS + 0,13 HG -30,8. Ces équations ont été établies à partir de 21 agneaux parmi les plus lourds, en éliminant les animaux chétifs, entre les âges de 30 à 100 jours.

Plusieurs études ont concerné la prédiction du poids des animaux à partir de leurs mensurations morphologiques ; citons Dekhili et Aggoun (2013), Ravimurugan et al (2013), Shehata (2013), Agamy et al (2015), Taye et al (2012), Taye et al (2016), Ambarcioğlu et al (2017), Abera Feyissa et al (2018) et Sandeep Kumar et al (2018) chez les ovins et Pesmen et Yardimci (2008), Babale et al (2018) et Abd-Allah et al (2019) chez la chèvre. Dans la majorité de ces études, le tour de poitrine (TP) est le meilleur paramètre constaté.

Figure 2. Courbe de régression linéaire du poids vif des agneaux (n =63)

Conclusion

Il résulte de cette étude que le sexe des agneaux et la parité des brebis n’ont influencé ni les performances de croissance, ni l’évolution morphologique des agneaux depuis la naissance jusqu’au sevrage (100 jours) et que l’estimation du poids des agneaux de race Ouled Djellal (type Hodna) a été tributaire des mesures surtout du tour de poitrine (TP) puis du tour spirale (TS).

Remerciements

Les auteurs remercient les responsables et tout le personnel technique de la ferme pilote Khababa Abdelouaheb- Sétif, Algérie.

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