Etude de la composition chimique des noyaux de dattes en vue d’une incorporation en alimentation animale

L Boudechiche, A Araba*, A Tahar** et R Ouzrout

Institut d’Agronomie, Centre Universitaire d’El Tarf, B.P 73, 36000. Algérie
Boudechiche_lamia@yahoo.com
* Département de Productions et de Biotechnologies animales, Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II, BP 6202, Rabat Instituts, 10101 Rabat, Maroc
** Département de Biologie, Université Badji Mokhtar, Annaba. Algérie

Résumé

La transformation des dattes à l’échelle industrielle génère par le secteur agro alimentaire  (pate de datte, sirop, vinaigre,…) à petite ou à grande échelle, des noyaux comme déchets de transformation. La présente étude a pour objectif d’évaluer la composition chimique de ces noyaux afin de les incorporer en alimentation animale. Pour ceci, nous avons procédé aux analyses chimiques de noyaux de dattes appartenant à vingt cultivars du sud-est algérien. Les analyses ont porté sur les taux en matière sèche, en protéines brutes, en fibres au détergent neutre et en cellulose brute selon des méthodes appropriées.

Les résultats statistiques ont révélé une différence très hautement significative entre les noyaux des vingt variétés. Les taux en matière sèche étant très élevés (jusqu’à 93%) et ceux en fibres (NDF) atteignant les 92% suggèrent le broyage ou le concassage comme modes de présentation de cet aliment. La richesse excessive de ces noyaux en parois totales, de même qu’en cellulose brute (max 19%) limite leur incorporation dans les rations pour ruminants du fait qu’ils limitent la digestibilité de la ration. 

Les noyaux de dattes peuvent être utilisés en alimentation animale dans les zones productrices, surtout chez les ruminants qui ont tendance à valoriser les aliments cellulosiques mais à des taux limités.

Mots clés: Algérie, déchets de dattes, production animale, valorisation

Study of chemical composition of date stones for use in animal feed

Abstract

The transformation of dates at industrial scale, generate by the processing agro food (paste of dates, vinegar, syrup) at small or large scale stones as waste of transformation. This study aims to evaluate the chemical composition of these stones for incorporation in animal feed. For this, we proceeded to chemical analysis of dates stones belonging to twenty cultivars in south-east of Algeria. The analysis focused on rates of dry matter, crude protein, crude fiber and neutral detergent fiber as adequate methods.

The statistical results revealed a highly significant difference between stones of the twenty varieties. The rate of dry matter is very high (up 93%) and fiber (NDF) reached the 92% suggest grinding mode of presentation of the food. The excessive wealth of stones on crude fiber (max19%) limits its inclusion in rations for ruminants because it limits the digestibility of the ration.

Date stones can be used in animal feed of productive zones, and especially for ruminants that tend to enhance cellulosic food but at limited rates.

Key words: Algeria, waste dates, Livestock farming, valorisation

Introduction

En Algérie, les performances de productivité animale restent insuffisantes pour la fourniture du marché local, ce qui a pour conséquence une diminution tendancielle de l’apport protéique d’origine animale dans la ration alimentaire de l’algérien moyen. Or, l’amélioration de ces systèmes de production et donc la réduction de ce déficit alimentaire passe inéluctablement par l’amélioration de la productivité animale qui implique, en plus, de la maîtrise des techniques d’élevage, couverture sanitaire, amélioration génétique,…, une politique de développement et de maîtrise d’une alimentation animale disponible et surtout accessible en terme de prix à toutes les catégories sociales d’éleveurs. C’est précisément ce dernier point qui sera l’objet de ce présent travail qui vise à valoriser les ressources « autochtones » et disponibles que possèdent l’Algérie. Parmi celles-ci les noyaux de dattes qui ont fait l’objet d’un certain nombre de travaux à l’échelle internationale (Al-Kinani et Alwash 1975, Alwash et De Peters 1982, Besbes et al 2004, Cook et Furr 1952, Hegazi et Salem 1971, Khal 1982,  Khalid et al 1956, Rashid et Alwash 1976, Aldhaheri et al 2004 et Hamada et al 2002) mais très peu à l’échelle nationale.

En effet, l’Algérie produit près de 500 000 tonnes de dattes par an (ONS 2006) dont 45 000 tonnes sont des dattes molles destinées surtout à la transformation industrielle en pate de datte, en vinaigre, en jus de datte (Robb). IL en resort de ce fait des noyaux comme déchet qu’il serait intéressant d’analyser en vue de leur incorporation en alimentation animale en substitution à certaines matières premières importées.

Par le biais de cette contribution, nous envisageons d’explorer les possibilités d’une meilleure valorisation des noyaux de dattes pour l’alimentation des ruminants, surtout, dans les systèmes de production oasiens à partir d’une étude concernant leur composition chimique.

Matériel et méthodes 

Matériel végétal et échantillonnage

Le matériel d’étude est constitué de vingt noyaux de dattes communes et rebuts confondus récoltés à maturité à partir de palmiers dattiers (Phoenix dactylifera) dans les régions de Biskra, El oued et Ouargla, wilayas localisées au sud-est algérien constituant le Sahara septentrional qui  se présente comme une zone de transition entre les steppes méditerranéennes nord africaines et le Sahara central. Ces régions sont caractérisées par un climat contrasté avec une saison chaude et sèche ainsi que des amplitudes thermiques importantes, la pluviosité irrégulière est comprise entre 50 et 100 mm (Le Houérou 1990 in Chehma 2005) (figure 1). 

Ces noyaux appartenaient aux variétés suivantes: Tinicine (TIN), Arechti (ARECH), Takemust (TAKE), Tafzaouin (TAFZ), Kahlaya (KAHL), El Aoula (ELAOU), Litima (LITM), El mahkmouj (ELMAK), Tantabacht (TANTB), Mech degla beida (MECHDG), Ksiba (KSIB), Hachef degla (HACHFDG), Hamraya (HAMR), M’farouia (MFARA), El Hora (ELHOR), Echemroukh (ECHEMR), Bouhlasse (BOUHL), hachef ghars (HACHF), Messouhi (messou), Sich de Deglet nour (SICHD).

Analyses de la composition chimique

Toutes les analyses ont été effectuées au Laboratoire du Département de Productions et de Biotechnologies Animales de l'Institut Agronomique et Vétérinaire, Hassan II, Rabat, MAROC. Un kilo de noyaux par variété a été pesé directement juste après la récolte des dattes et leur dénoyautage afin d’avoir le poids frais. Les échantillons ont par la suite été conservés dans une glacière et emmenés au laboratoire pour être analysés. Les noyaux ont été séchés dans une étuve à circulation d’air réglée à 50°C pendant 48 heures afin d’avoir le taux de matière sèche (MS) qui a été déterminé par la perte de poids des échantillons, par la suite, les noyaux ont été finement broyés par variété et mis dans des flacons séchés tout en veillant sur l’étiquetage. En vue de corriger les échantillons pour toute humidité acquise, ils ont été mis dans une autre étuve pour déterminer la teneur en matière sèche à 103 °C jusqu’à poids constant.

Les échantillons broyés ont aussi été analysés pour les teneurs en :

-cellulose brute,  matière minérale et matière organique par les méthodes AOAC (1990) ;

- matière azotée totale, dosée par la méthode de Kjeldahl (ISO 1997) ;

- constituants pariétaux (NDF), effectuées selon la méthode de Van Soest et Wine (1967);

Chaque variété a été analysée en double. Nous avons jugé, pour plus de précision, de doser les constituants pariétaux, en plus de la méthode de Weende, par celle de Van Soest et Wine (1967), dont les résultats sont biochimiquement plus réalistes (Sauvant et al 2005).

Valeurs énergétiques (UFL, UFV)

Elles ont pour base les équations de  prévision de la valeur énergétique des aliments concentrés et composés pour les ruminants (Sauvant 1981) à partir de la composition chimique des aliments, les unités étant par 100 Kg de MO (matière organique).

Analyse statistique des données

Des analyses de la variance à un seul critère de classification où les noyaux de dattes constituent le seul facteur, ont été réalisées pour chacun des paramètres de la composition chimique par le logiciel MINITAB (version 13.31fr).

Pour connaitre les groupes homogènes de moyennes, nous avons utilisé la méthode de la p.p.d.s (la plus petite différence significative). Une analyse en composantes principales globale regroupant les composantes chimiques a été réalisée pour étudier les structures des corrélations entre les paramètres étudiés.

Résultats et discussion

Matière sèche (MS)

Les noyaux de dattes étudiés sont très riches en matière sèche, ce qui leur confère une consistance très dure. Le taux de MS des échantillons analysés a varié de 81% à 93 % avec des différences très hautement significatives (P< 0,0001). En effet, 80% des noyaux ont un taux de matière sèche compris entre 85% et 93% (tableau 1).

La teneur la plus élevée a été enregistrée par le noyau de la variété Ksiba (93,02%) qui forme un groupe distinct des autres groupes homogènes de moyennes, de même, le noyau du rebut de la variété Deglet nour (Sich D) a enregistré le taux le plus élevé en humidité (81,62% de matière sèche) formant aussi un groupe différent des autres. Des teneurs identiques ont été rapportées par Gihad et al (1989) (90,5 %), par El Shazly et al (1963) (90,3%) et Al-Kinani et Alwash (1975) (91,45%) pour des noyaux appartenant à d’autres cultivars de dattes.

Le taux d’humidité des noyaux de dattes étudiés variant entre 7 et 19% est cependant comparable à celui d’autres aliments tels que la paille de céréales dont le taux en matière sèche varie de 85 à 90% (Chenost et al 1991) et de 89% à 93% selon Chabaca et al (2000),  les pédicelles de dattes (89,6%) (Arbouche et Arbouche 2008) ainsi que certaines céréales telles que le blé (86,2%), l’orge (87,6%) et l’avoine (87,4%) (Anonyme 1999)

Ces taux élevés en MS contribueraient ainsi à une bonne conservation des noyaux en vue d’un usage ultérieur.

Matière minérale et matière grasse

Les noyaux de dattes sont pauvres en matière minérale dont le taux a varié de 1,28% à 3,17% et aucune différence significative n’a été observée entre les 20 noyaux de datte analysés (P= 0,07). Ces valeurs sont proches de celles avancées par Munier et al (1973) (2,22% pour des noyaux de dattes de Mauritanie) et 1,12% (pour des noyaux de dattes d’Irak). Par contre, ces derniers sont très riches en matière organique dont les valeurs oscillent entre 97,65% et 98,74%. Les noyaux de dattes se trouvent aussi riches en matière grasse (tableau 1).

Matières azotées totales (MAT)

Les noyaux de dattes renferment une quantité en protéines brutes variant entre 5 à 7,27% (tableau 1). Les différences entre les variétés sont très hautement significatives (P< 0,0001). L’analyse de la ppds a fait ressortir des chevauchements très importants entre les groupes homogènes de moyennes, cependant, les groupes de noyaux les plus riches en MAT sont constitués principalement par les noyaux appartenant aux variétés Echemroukh (6,52%), Tinicine (6,71%), Tantabacht (6,76), Hamraya (6,86%), Mech degla beida (7,27%), El Hora (7,27%) ainsi que les deux rebuts Sich D (6,62) et Hachef degla (7,04%) opposant le groupe de noyaux dont les teneurs sont les plus faibles et qui sont : Kahlaya (5,14%), Messouhi et Bouhlasse (5,25 %), Litima (5,73%), Ksiba et Arechti (5,81%), El Makhmouj (5,83%) et Tafzaouin (5,86%). Ces différences pourraient être principalement imputables au cultivar.

Par ailleurs les valeurs trouvées dans les échantillons analysés sont proches de celles rapportées par Khalid et al (1956), Boughnou (1988) et Al-Farsi et al (2007) qui est de 6 % ; 5,22% ; 2,3-6,4% de la MS respectivement pour les trois auteurs. Comparativement à d’autres co produits, les noyaux ont des teneurs en matières azotées plus importantes que celles contenues dans les pailles (2-5%) (Chenost et al 1991) et les pédicelles de dattes (4,30%)  (Arbouche et Arbouche 2008). Cependant ces valeurs restent faibles et nécessitent une complémentation azotée afin de satisfaire les besoins des ruminants.

Les fibres

Les noyaux sont essentiellement constitués de parois végétales qui représentent 82% à 92% de la matière sèche en parois totales (tableau 1). Des résultats identiques ont été rapportés par Al-Farsi et al (2007) (77,75% - 80%). Les noyaux dont les taux en fibres sont les plus faibles appartiennent aux variétés : M’Farouia (82,03%), Takermust (82,71%), El Aoula (82,82%), El Makhmouj (83,36), Bouhlasse (83,45%), et kahlaya (84,03%) formant un groupe homogène de moyennes, tandis que le noyau Echemroukh se caractérise par la teneur la plus élevée en parois (92,26%) formant un groupe distinct des autres.

Compte tenu de leur fort taux en fibres, les noyaux peuvent constituer un aliment de lest quasi exclusivement utilisé chez les ruminants. Les fortes teneurs en fibres rappellent celles des fourrages et plus spécialement des pailles de céréales dont les valeurs NDF sont de 85,40% (Arbouche et Arbouche, 2008) et 79%- 80% selon Chabaca et al (2000).

D’autre part, les modèles de fermentation des noyaux de dattes chez les ruminants, ont révélé l’accroissement en taux d’acide propionique à mesure que celui en noyaux de dattes augmentait dans la ration et ceci à raison de 0%, 25%, 50% et 75% en noyaux (Rashid et Alwash 1976). Il en résulte que la production d’acide propionique est favorisée par l’ingestion des noyaux, lequel considéré comme le plus important précurseur de la néoglucogenèse (Demigné et al 1988), essentielle pour la satisfaction des besoins en glucose des ruminants (Grizard et al 1986), et favorisant, entre autres, le métabolisme et la croissance musculaire. Ces fermentations correspondent au type de fermentation caractéristique des concentrés.

Vu leurs teneurs élevées en matière sèche et en fibres et pour une meilleure utilisation de ces noyaux par les animaux, certains traitements sont à préconiser : concassage ou trempage dans l’eau (El Shazly et al 1963).

Les valeurs énergétiques

Les valeurs énergétiques des différents échantillons sont retracées par la figure 2 et le tableau 2.

Ainsi les valeurs UFL varient pour les noyaux analysés de 0,93 à 1,02/ Kg MS tandis que les valeurs UFV oscillent de 0,88 à 0,97/ Kg MS. Elles sont de ce fait comparables à certaines céréales telles que l’avoine (UFL= 1,03/Kg MS et UFV= 0,98/Kg MS). La prédominance des UFL par rapport aux UFV pour l’ensemble des échantillons étudiés, nous mène à conclure que ces échantillons sont plus favorables à la production de lait que celle de viande. Les noyaux peuvent être préconisés comme concentré énergétique identique aux céréales.

Analyse en composantes principales (ACP)

L’analyse en composantes principales des cinq paramètres étudiés permet de retenir que les deux premiers axes (1 et 2) expliquent 66% de la variabilité totale. En effet l’axe 1 avec un taux d’inertie de  43%, oppose la matière minérale à la matière organique, corrélées négativement entre elles elles (-89%) (figure 3).

A droite de cet axe, on retrouve les noyaux dont la matière minérale, la matière azotée totale et les fibres sont élevées (Echemroukh, Tantabacht, Hamraya, Mech degla beida, El Hora ainsi que Sich D et à gauche du même axe, on retrouve les noyaux rattachés au groupe des variétés qui possèdent des caractéristiques inverses (Takermust, El Aoula, El Makhmouj, Bouhlasse, Tafzaouin et kahlaya (figure 4) confirmant ainsi l’analyse de comparaison des moyennes (ppds).

Le second axe qui explique 23 % de la variabilité totale, oppose les teneurs en matière sèche aux teneurs en cellulose brute, ces deux paramètres sont corrélés fortement et négativement entre eux (- 28%). En haut de cet axe, on retrouve les noyaux dont le taux en matière sèche est le plus élevé (Ksiba) et en bas du même axe les noyaux ayant les caractéristiques inverses (Sich D)         

Conclusion

• A la lumière des résultats dont nous disposons sur les noyaux de dattes, nous pouvons avancer que ces derniers trouvent leur emploi, plus spécifiquement, chez les ruminants.

  
  

• Ces noyaux ont une bonne valeur énergétique, par conséquent, ils conviennent parfaitement à l’engraissement et ont une place de choix pour la production laitière.

  
  

• Leur pauvreté en matières azotées et leur richesse en parois, limitent, cependant, leur emploi en grande quantité et incite leur enrichissement avec une source azotée.

  
  

• La composition des noyaux de dattes réunit à la fois les caractéristiques d’un aliment de lest par leurs teneurs élevées en parois mais aussi celles d’un concentré énergétique économique, par leurs valeurs fourragères appréciables.
   

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Received 15 December 2008; Accepted 9 April 2009; Published 1 May 2009

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